S comme un stéthoscope en tournée

CIMG3312Oh non, la vieille rombière de la villa Aden ! Je ne supporte pas son contact. Elle bouillonne à m’en donner des vapeurs et à me faire fondre ! J’ai l’impression d’être dans une étuve de stérilisation quand le bon docteur m’approche de son cœur. Mais le pire, c’est quand j’entre en contact avec sa peau : un froid polaire à m’en faire éclater les alliages, et pourtant, je ne suis pas réputé pour ma chaleur naturelle ! Elle a beau appeler le docteur pour un oui ou pour un non pour des problèmes cardiaques, elle en a autant que moi ! Un vrai cœur de pierre. Bref, avec elle, c’est douche écossaise à chaque fois ! Surtout quand elle commence à verser des larmes de crocodile, qui me font l’effet de jets d’acide, sur la patientèle pour mieux la critiquer. Elle est plus venimeuse qu’une amanite tue-mouches à laquelle elle a un air de ressemblance avec ton teint rougeaud de sanguine et ses boutons infectés poilus.

     Heureusement, après elle, le docteur doit se rendre chez la petite Rosalie pour son suivi mensuel de diabète. Elle a la peau douce comme une pêche juste à maturité. Je glisse sur sa poitrine comme sur un morceau de soie de première qualité. Parfois, pour profiter plus longtemps de ce contact si agréable, je sautille discrètement pour fausser l’examen et le prolonger. Cela amuse beaucoup Rosalie qui, à huit ans, adore les contes et les histoires de chevaliers et prend cela comme la tentative d’une fée de la transformer en princesse. En plus, contrairement à la plupart des gens, elle apprécie la sensation de froid que je fais au premier contact. Elle me surnomme d’ailleurs Mister Freeze. C’est un compliment, vu la passion qu’elle a pour ce bâtonnet glacé, la seule glace qu’elle peut manger avec sa maladie. Son parfum préféré est celui à la menthe, au point de se laver avec une savonnette mentholée. Ainsi, quand je touche sa peau, j’ai l’impression de lécher un bonbon anglais de belle facture, un délice ! J’ai intérêt à profiter de l’instant, car après Rosalie, c’est Monsieur Raymond.

     Ce quinquagénaire viril comme un singe est tellement poilu que je regrette de ne pas être chaussé de ski pour arriver jusqu’à son cœur. Et dans le dos, c’est encore pire. Je me demande comment le docteur arrive à entendre quoi que ce soit vu l’épaisse moquette qui le tapisse. Personnellement, j’ai toujours préféré les surfaces lisses. Les moquettes, surtout aussi drues, me grattent toujours. Certaines me font comme des décharges électriques qui pourraient me hérisser le poil si j’en avais. C’est très désagréable jusqu’à m’en donner parfois mal au cœur, un comble ! Par chance, même dans les mauvais moments, je peux compter sur les caresses du docteur qui me manie avec une infinie douceur et beaucoup de précautions. Il faut dire que je suis le prolongement de son oreille. J’aime aussi entendre les vibrations de sa voix grave posée quand il parle à ses patients pendant l’auscultation. Cela me fait l’effet d’un massage détente, des vagues de bonheur m’inondent de mes embouts jusqu’à la rondeur de mon pavillon !

(copyright: Léa Tlantique / blog historiettes décalées- Tous les textes sont des originaux, merci par avance de respecter le droit de la propriété et de me contacter si vous souhaitez en utiliser une partie).

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