F comme la flamme du bonheur

thL’homme ouvre avec volupté l’un des livres qu’il vient de récupérer dans cette vieille caisse en bois poussiéreuse. Sa couverture en cuir patinée par le temps a attiré ses doigts avides comme un aimant. Son titre, écrit avec moult arabesques, est énigmatique : Humilité et contemplation. Son contenu est encore plus étrange puisqu’il se compose d’un mot occupant le centre de chaque page, hormis à la fin de l’ouvrage, constellée de signes kabbalistiques. Il ne comprend pas ce qui est écrit. Il est donc tout surpris lorsque, son index caressant les caractères inconnus, des volutes de fumée apparaissent au départ éparses puis s’agrégeant pour prendre la forme d’un djinn malicieux. De surprise, l’homme laisse tomber le livre par terre, qui se referme après avoir laissé échapper la créature qu’il abritait.

Peu à peu, les grains de sable qui la composent semblent prendre vie sur le sol. En effet, de tas informe il devient progressivement une flamme vive arborant un grand sourire sous l’effet d’un sirocco invisible. Des odeurs mêlées du désert accompagnent avec toujours plus de vivacité cette métamorphose fantastique. L’homme est tellement fasciné par le spectacle qu’il en oublie presque d’avoir peur, coi devant tant de beauté et de féerie. C’est alors qu’une voix semblant provenir d’outre-tombe retentit et lui fait dresser les cheveux sur la tête. La panique le prend. À ses changements d’état d’âme, la flamme perd de son aspect menaçant pour s’arrondir tandis que la voix répète son message d’un ton bien plus conciliant et engageant : « N’aie pas peur, petit humain ! Je ne te ferai aucun mal ! Grâce à toi, je recouvre enfin la liberté après un million de lunes dans cet ouvrage qui me gardait prisonnier ! »

L’homme n’en croit pas ses oreilles : une flamme qui parle ! Quel comportement doit-il adopter ? Cela ne lui est jamais arrivé.

«  Je te sens perplexe, petit homme. C’est normal, ce n’est pas tous les jours que ton espèce rencontre un djinn !

— Un djinn, tu es un djinn ! Que Mahomet me garde si j’ai pu faire quoi que ce soit qui ait pu t’offenser !

— Sois sans crainte ! Tu m’as libéré et à ce titre, je te suis redevable.

— Ah bon ? Mais je n’ai rien fait, c’est le fruit du hasard.

— Que tu crois ! Seul un cœur pur était en mesure de me libérer de mes chaînes. Allez, demande-moi ce qui te ferait plaisir, j’exaucerai ton vœu ! »

L’homme ne s’attendait pas à une telle offre. Que demander ? La richesse, la vie éternelle, la paix universelle, l’entente entre tous les humains, la fin des guerres et de la misère ? Les mots et les concepts tournent dans sa tête jusqu’à lui donner le tournis. Quelle est la meilleure chose à quémander ?

Devant l’hésitation de l’homme, le djinn monte quelques signes d’impatience. Il commence à prendre des reflets rouges inquiétants.

« Tu peux me demander ce que tu veux et tu l’auras. Et si, par miracle, je ne peux te satisfaire, que je me transforme en dattier fertile et prodigue pour tous les frères de la vallée ! »

Sentant l’empressement de son bienfaiteur à venir à qui il ne veut pas déplaire, il bafouille tout haut la première chose qui lui vient à l’esprit : « le bonheur. Je souhaite le bonheur ! ».

À ces mots, le grand sourire fait place à une larme. « Ah, cœur pur, tu as réussi à me demander l’impossible. En effet, chaque homme porte en lui les graines du bonheur. À lui de les faire fructifier et de les faire pousser à sa guise. »

L’homme n’a pas le temps de s’excuser. Un grand éclair comme celui de la foudre d’été brise la flamme du djinn en mille morceaux. Lorsque l’homme rouvre les yeux qu’il a dû fermer à cause de l’éblouissement intense, il n’y a plus de trace du djinn. À sa place, il y a une bourse en cuir embaumant le jasmin et gorgée de terre de laquelle émerge un arbrisseau. Superstitieux, l’humain au cœur pur décide de le planter dans le désert. Le lendemain, il est surpris de voir que le dattier a atteint une taille adulte, s’est multiplié et s’est propagé autour d’un grand point d’eau qui n’existait pas la veille. En hommage à ce miracle, il nomme ce prodige de beauté et de fertilité : OASIS.

(copyright: Léa Tlantique / blog historiettes décalées- Tous les textes sont des originaux, merci par avance de respecter le droit de la propriété et de me contacter si vous souhaitez en utiliser une partie).

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