A comme la bonne aventure

Placeholder ImageL’indien à la plume verte et aux mocassins bleus arriva devant le rade juste avec un baluchon sur l’épaule. Il venait directement du débarcadère après trois mois de traversée de l’Atlantique. Il avait hâte de rencontrer la Française Pipistrelle. Il avait eu vent d’elle lors de sa dernière réunion chamanique avec le clan. Elle seule, d’après l’esprit des anciens, pourrait les aider. Etant le seul à connaître quelques mots de français, appris grâce à la chanson Natalia de Gilbert Bécaud, ce petit-fils d’un grand chef Cheyenne avait été désigné pour faire le grand voyage. Avant de partir, il avait été coller son oreille gauche sur un des rails de la nouvelle ligne ferroviaire longeant la réserve, pour entendre vibrer sa plume et collecter des bonnes vibrations terrestres. Naturellement, il avait pris soin de bien scruter la ligne d’horizon avant de poser son oreille chérie pour s’assurer qu’aucun train ne lui passerait dessus pendant sa collecte de bonnes ondes. La plume verte avait vibré, signe que son périple devait commencer. Sans argent, il embarqua clandestinement sur un cargo à destination de Brest. Surpris par un membre d’équipage un peu moins bourré que d’habitude, il ne dut son salut qu’à son talent de sculpteur sur cornes de cerfs qui devint celui d’éplucheurs de patates et de carottes, l’aliment principal sur ce rafiot avec l’alcool, l’équipage étant adepte d’un régime en vogue un peu bizarre.

Arrivé à Brest, l’Indien lança ses osselets magiques sur le sol pour connaître la route à suivre. Ils lui indiquèrent le chemin vers un bistrot miteux, propriété du cousin de Pipistrelle qui y venait de temps en temps, loin de sa Moselle natale, pour distraire la clientèle bigarrée et superstitieuse par ses dons. La jeune femme rousse aux yeux vert émeraude avait la particularité de lire l’avenir en scrutant la ligne bleue des Vosges. Et quand elle était loin de ses chers vallons, elle puisait l’inspiration à partir d’une vieille carte postale aux couleurs défraîchies éclairée par la flamme vacillante d’une chandelle souffreteuse. Et cela marchait du tonnerre, malgré le procédé très primaire !

Quand l’Indien pénétra dans le rade, la liseuse de bonne aventure était déjà à l’œuvre, essayant de démêler les lignes de vie, d’amour, de chance et de tête d’une bourgeoise à la vie aussi compliquée qu’ennuyeuse. Normalement, rien ne pouvait la déconcentrer de ses prédictions, mais l’aura que dégageait l’étranger était trop forte. Ce dernier s’assit sur la chaise vide à côté d’elle, malgré les protestations de la cliente en cours. Il darda son regard noir indéchiffrable dans les deux émeraudes qui servaient de yeux à Pipistrelle. La scène était tellement incongrue qu’un silence inhabituel s’installa rapidement dans le local. Puis, l’Indien se pencha vers elle pour lui chuchoter quelques mots dans l’oreille. La jeune femme, imperturbable, sembla réfléchir, comme pour mieux se remémorer ses chers vallons vosgiens si inspirant, puis lui chuchota à son tour ce qui fut plus tard interprété comme une réponse par les témoins de la scène. La plume verte qui ne quittait pas la chevelure poivre et sel de l’homme vibra et se para d’un beau vert lumineux. Ce fut la dernière image que les clients eurent de lui, une fois que ses mocassins bleus s’étaient mis en mouvement d’une foulée rapide et énergique. Il disparut comme il était venu, pour reprendre un cargo le ramenant sur sa réserve natale, à l’autre bout du monde.

L’Indien rejoignit son clan qui l’attendait ses derniers mois avec impatience. En le voyant, lui et sa plume devenue arc-en-ciel, signe bénéfique annoncé par les Anciens, chacun comprit que l’avenir de la réserve était désormais assuré. Une sculpture en bois de cerf de Pipistrelle, taillée par le voyageur pendant sa longue traversée retour, fut posée sur l’autel sacré pour la remercier et se souvenir encore longtemps de son aide précieuse.

(copyright: Léa Tlantique / blog historiettes décalées- Tous les textes sont des originaux, merci par avance de respecter le droit de la propriété et de me contacter si vous souhaitez en utiliser une partie)

En l’absence d’osselets pour connaître son chemin, on peut s’aider comme les anciens Chinois du Yi-King, de la chiromancie (lecture des lignes de la main) ou de rites amérindiens….

Et pour se mettre dans l’ambiance, pourquoi ne pas découvrir l’acteur Pierre Brice, acteur français célébrissime en Allemagne et inconnu en France, qui a longtemps incarné l’Indien Winnetou au cinéma et à la télévision d’après les westerns de l’écrivain allemand Karl May

ou lire les romans de Craig Johnson ou d’autres auteurs américains ?

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